Ces évènements qui méritent un deuil

Marie-Josée Michaud

Marie-Josée Michaud

Auteure, consultante en matière de santé psychologique au travail, en leadership et en mobilisation des ressources humaines.

Il y a un fait que nous devrions saisir et comprendre sans jugement : c’est qu’un deuil peut être nécessaire pour plus d’un type d’évènement dans la vie!

À plusieurs reprises dans notre vie, ces mots ont été prononcés ou entendus : « C’est ma ville, ma maison, mon conjoint, mon enfant…etc. »

Nous avons cette tendance à l’appropriation alors que la vie s’efforce de nous faire comprendre, par toutes sortes d’expériences positives ou négatives qu’en fait, tout nous est prêté temporairement, que ce soit pour un instant, jusqu’à notre mort ou celle d’un être cher. J’ai mis au monde deux merveilleux enfants qui m’accompagnent passionnément, qui sont pleins de vie. J’ai des amis qui ont perdu leur petite fille à un âge tendre et je suis admirative, car malgré cette perte tragique, mes amis font face à la vie : ils rient, pleurent, ont peur et ressentent de l’espoir pour leur nouveau noyau familial.

Que peut-il y avoir de pire que la perte d’un enfant ? Beaucoup me répondront : RIEN ! Et la plupart de ces individus ne comprendront pas que quelqu’un d’autre puisse avoir envie de dire autrement. Pourtant, il y a un fait que nous devrions saisir et comprendre sans jugement : c’est qu’un deuil peut être nécessaire pour plus d’un type d’évènement dans la vie.

En fait, la nécessité du deuil dépendra de l’importance que vous accorderez à l’événement déclenchant ce dernier. Cela dépendra donc de votre propre vision et de ce qui est pour vous, à ce moment précis, la pire chose à perdre dans votre vie !

Autrement dit, si vous n’avez pas d’enfant mais que vous avez un partenaire que vous adorez, sa perte sera votre vision du pire. Vous n’avez pas de conjoint mais vous avez un chien et lorsqu’il tombe gravement malade, votre pire crainte sera son décès. Vous n’avez pas de famille ou d’amis proches qui vous sont chers et aucun animal de compagnie, ce sera de perdre une maison, un travail, une passion qui deviendra le pire deuil à faire pour vous.

Je vous entends me dire : « Voyons MJ, même si je n’ai pas d’enfant, je peux imaginer et même concevoir que sa perte est sans contredit pire que celle d’un partenaire, chien, maison ou travail ! ».

Et vous avez raison, votre mémoire sémantique vous permet probablement de faire avec conviction, ce type de raisonnement. Je sais aussi selon l’expérience empirique (vécue et ressentie) enregistrée par votre cerveau, que ce dernier, faute d’avoir enregistré plusieurs types de pertes, pourrait ne pas avoir la capacité de faire la différence, émotionnellement, entre perdre un être cher et un emploi. Donc, au moment de la perte d’un élément très important pour vous, il se pourrait que vous ressentiez un vide émotionnel qui semblera disproportionnel au regard des autres et même pour vous.

Avant de vous juger durement ou d’être choqué par cette réaction, il s’agit de comprendre que vous et votre cerveau n’avez simplement pas encore acquis la capacité neuronale permettant de saisir, consciemment, qu’il ne s’agit pas d’une fin en soi.

Autrement dit, votre cerveau n’a accès qu’aux émotions rattachées aux évènements émotionnels vécus au préalable et qui sont perceptibles. Ce n’est donc pas que vous êtes trop sensible ou manquez de cohérence, vous manquez en fait d’expériences et/ou d’accessibilité ! La prochaine fois que vous ressentirez une peine démesurée pour un chien ou un emploi perdu, ne vous jugez pas durement et ne jugez plus celui qui fait montre de la même incapacité d’empathie.

Petit aparté quant à l’inexpérience et l’appropriation; pour tous ceux qui n’ont jamais vécu de mortalité ou de séparation, ne prenez jamais vos être chers pour acquis. Ne devenez pas celui qui dira : « Si j’avais su à quel point je souffrirais, je lui aurais donné plus d’attention ! »

La neuroscience fait des avancées remarquables depuis quelques années et nous savons maintenant que le cerveau humain se développe activement et même durant l’âge adulte. 

Dernièrement, j’ai lu un article fort intéressant sur une étude en rapport au développement du cerveau des adolescents. Il y a maintenant une meilleure compréhension face aux éléments anxiogènes vécus par nos adolescents tels que, l’apparence physique, le besoin d’appartenance ou une première peine d’amour.

Grâce à l’imagerie du cerveau et au fur et à mesure des expériences vécues par ces derniers, les chercheurs en neuroscience assistent à l’apparition de chemins neuronaux qui n’existaient pas au préalable. L’adolescent développe et accède ainsi à sa capacité de réaliser et ressentir que, même s’il n’est pas physiquement parfait ou que l’amour de sa vie l’a quitté pour quelqu’un d’autre, son existence demeure justifiée.

C’est comme la construction d’une route. Au fur et à mesure de l’avancement du chantier et de l’expérience acquise du terrain, il sera nécessaire de modifier les plans afin de tracer un chemin efficace et sécuritaire.

C’est pourquoi le deuil nécessite du temps et des étapes. Les neurones doivent avoir l’opportunité de construire le chemin le plus efficace vers la guérison. Celle-ci sera possible au travers d’un réseau de prises de conscience par l’individu, lui permettant, entre autres, de réaliser qu’il a le pouvoir de continuer d’exister et pourquoi pas, d’être heureux.

Il n’y a qu’une certitude en ce monde : le changement. Donnons le temps à notre cerveau de trouver le chemin du bonheur et cessons de nous juger ou de juger l’autre comme étant inapte, parce qu’il est affecté par un événement que nous jugeons soi anodin ou au contraire trop sérieux. La sagesse et la sérénité s’acquièrent avec l’expérience, les prises de conscience et le temps !

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2 thoughts on “Ces évènements qui méritent un deuil”

  1. Bel article! Il y a une autre certitude – tout est temporaire que ce soit des personnes, des etres, des plantes, des batiments, des pensees ou des emotions. Le sentiment de perte a un moment donne est donc inevitable pour l’humain. L’important est la resilience face a cette perte.

    1. Allo Danielle, merci beaucoup pour ton commentaire et en effet, la résilience est importante. Accepter ‘Ce qui est’ afin de pouvoir entrer dans une action contribuant à une guérison est essentiel. Si en plus il est possible de s’assurer de défaire le schéma de pensées négatives qui découle d’une croyance obsolète…les jugements évoluerons vers un comportement plus emphatique envers ceux qui ont de la difficulté à atteindre cette résilience…prochain article ! 😉

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