Il était une fois des dirigeants humains

Marie-Josée Michaud

Marie-Josée Michaud

Auteure, stratège en leadership et santé psychologique au travail.

Comment se portent nos cadres supérieurs après un an et demi de crise ? Certainement pas comme un poisson dans l'eau.

Tout entrepreneur ou exécutif sait qu’il y a des prises de décisions et des risques à calculer par rapport à leurs marchés respectifs. Ceux-ci sont reflétés et mitigés à l’aide de modèles prévisionnels quinquennaux basés sur des règles comprises, adoptées et intégrées. Des actuaires calculent frénétiquement les changements probables à venir, des générations de métiers et services alignent leurs connaissances et développements technologiques afin que les ressources appropriées soient au rendez-vous pour atteindre les objectifs fixés.

Tout à coup, la crise du Covid-19 avec ses variantes, entraînant des variances à l’infinie, se pointe dans notre horizon familier. Après presque un an et demi de crise, certaines organisations se portent bien, même très bien et d’autres sont malheureusement sur le respirateur artificiel alors que tout portait à croire qu’elles se dirigeaient vers le succès.

Qu’arrive-t-il lorsque les dirigeants ne peuvent plus regrouper les ressources nécessaires à leur succès dû à des mesures hors normes, dictées par des gouvernements, bouleversant les règles et les prévisions budgétaires ?

Je crois que certains de ces cadres supérieurs qui se sentaient comme un poisson dans l’eau en mars 2020 ont perdu, en 2021, une grosse partie de leur capacité à gérer, prévoir et encadrer efficacement. Ils ont probablement le sentiment pénible d’être échoués sur la berge, ne pouvant plus faire face à ces vagues successives de crise, manquant de temps et de solutions pour retrouver le large, cette eau familière dans laquelle le succès est possible.

Cette histoire bien ficelée de cadres supérieurs naufragés, mythe ou réalité 

Comment se portent dans la réalité nos cadres supérieurs, ces surhumains qui carburent à la maîtrise de leur expertise et au succès ?

D’après une enquête récente réalisée au printemps 2021 par le groupe de recherche de LifeWorks, en partenariat avec Deloitte Canada et le CHRO20, le rapport intitulé : « Idées inspirantes : Mieux-être et résilience des cadres supérieurs » fait ressortir au travers de données qualitatives et quantitatives qu’ils ne vont pas très bien ! Les résultats montrent clairement la pression extraordinaire ressentie par les cadres supérieurs. Cette pression affecte, étonnement, de façon plus significative la tension mentale des exécutifs que celle des employés ou cadres intermédiaires.

Selon les 1158 cadres supérieurs ayant participé à cette enquête et travaillant dans des secteurs privé et public à travers le monde, 51 % d’entre eux songent à changer de fonction dans la prochaine année ou à prendre leur retraite*.

Ils avouent être affectés par les conditions hors de leur contrôle, imposées par la crise. Ils ne savent plus comment supporter leurs employés et ne savent plus comment éviter les tensions entre collègues, ce qui finalement affecte leur propre santé mentale.

Il aura fallu que l’on attende 2021 pour avoir un rapport qui expose explicitement une tension psychologique chez nos cadres supérieurs. Est-ce que cette réalité vous surprend ? Pour ma part, cela fait des années que je les interroge au travers de sondages, de rencontres ou d’accompagnements ciblés. J’ai lu, entendu et constaté à quel point l’auto-stigmatisation et la stigmatisation sont des processus encore trop présents pour eux.

Il est d’ailleurs mentionné dans le rapport d’enquête que les cadres supérieurs craignent qu’une détresse mentale connue puisse nuire à leur carrière*.  En 2018, des sondages qualitatifs et quantitatifs que j’ai initiés auprès de plus de 3000 cadres œuvrant dans le secteur public ont permis d’identifier que cette peur était une des raisons principales d’éviter de parler de santé mentale avec leurs employés ou leur supérieur immédiat.

C’est pourtant connu que les exécutifs carburent au stress et semblent être moins à risque envers les problèmes reliés à l’épuisement professionnel ou troubles anxieux

Certaines recherches expliquent la capacité des cadres supérieurs à jongler plus facilement avec les longues heures de travail et le stress au fait qu’ils occupent une position de pouvoir leur permettant d’innover, tout en démontrant leurs compétences à relever les défis. Selon la neuroscience, ce sentiment euphorique en lien à une réelle capacité d’action et d’innovation fait en sorte que le stress ou les longues heures de travail n’entrainent pas un stress négatif. Les neurotransmetteurs contribuant à une bonne santé mentale étant bien stimulés.

Donc, il est logique de penser que le stress positif se transformera en stress négatif lorsque les cadres supérieurs ne sont plus en mesure d’exercer un pouvoir discrétionnaire, dans lequel ils peuvent fournir des efforts qui conduisent à la reconnaissance d’un résultat. Autrement dit, la capacité de concentrer leurs efforts sur des objectifs étant perçus comme réalisables est diluée par des balises changeantes, hors de leur contrôle. Le rapport indique justement que L’augmentation des exigences professionnelles et la diminution du contrôle créent une tension indue* chez nos cadres supérieurs.

Depuis toujours, il y a cette perception que les exécutifs exécutent le travail, quoi qu’il en coûte

Pourtant, sur les 1158 cadres participant à l’enquête* :

  • 82 % se sentent psychiquement ou mentalement épuisés lorsqu’ils finissent de travailler
  • 59 % sont incapables de se détendre ou de prendre une pause
  • 49 % ont de la difficulté à dormir
  • 43 % signalent une irritabilité accrue
  • 38 % ont moins d’énergie ou éprouvent des changements émotionnels.

Vous qui me lisez et qui êtes des cadres supérieurs, j’espère que ces chiffres vous aideront à vous normaliser et à éviter que vous vous sentiez incompétents, faibles ou pas assez.

Il y a des solutions, même en situation de crises, et la première est de comprendre que ce n’est pas seul dans votre coin à douter de vous, de votre équipe ou de vos collègues que vous allez retrouver votre pouvoir d’action. Il faut comprendre comment ces changements émotionnels influencent l’irritabilité, la difficulté à se reposer et vous laisse mentalement et psychiquement épuisés.

Ce sont ces changements émotionnels qui vous empêchent d’accéder efficacement à votre cortex frontal afin de décider stratégiquement quand, pour quoi et avec qui les efforts qui sauveront votre organisation ou votre projet doivent-être mis en action.

Depuis 2009 j’observe l’augmentation du stress pour les dirigeants, j’observe ce qui est offert pour les aider et j’étudie les meilleures façons de le contrecarrer.  Je n’ai rien trouvé de plus efficace que le développement du quotient émotionnel. MJ MICHAUD

De plus, en étudiant la neuroscience et la neuroplasticité appliquée en continue, je valide que les programmes développés au travers de ma pratique d’accompagnement en leadership et santé psychologique au travail sont efficaces et travaillent sur les bons éléments. Sachez que de récentes études démontrent qu’un QE élevé permet de mieux performer en équipe et prendre de meilleures décisions envers les missions émotionnellement chargées.

Comprendre le rôle des émotions est primordiale dans votre rôle de cadre dirigeant 

Selon Joseph F. Ledoux, un neuroscientifique américain dont les recherches sont principalement axées sur les circuits de survie, y compris leurs impacts sur les émotions telles que la peur et l’anxiété déclare ceci :

« La peur et les autres émotions sont basées sur des hypothèses, des présuppositions et des attentes ; ils sont construits dans le cerveau à partir d’ingrédients non émotionnels ».

Ces ingrédients non émotionnels ne sont-ils pas familiers pour les cadres supérieurs ? Il me semble reconnaitre les bases essentielles à la création d’un modèle prévisionnel quinquennal !

Ce qu’il faut retenir ici, c’est que les émotions servent d’indices, afin de déterminer les comportements et réponses appropriés aux défis ou aux opportunités qui se présentent. En fait, elles guident la prise de décision permettant de choisir un chemin entre ce que l’on ressent comme étant un risque versus une récompense tout en permettant d’avoir la capacité d’identifier les erreurs en cours de route.

La nouvelle neurobiologie des émotions confirme que les personnes qui ne peuvent générer ou traiter des émotions auront beaucoup de problèmes à prendre des décisions.

Il faut aussi savoir que celles-ci seront alimentées par votre corps, votre environnement et vos expériences passées.

Des programmes qui redonnent espoir et permettent aux dirigeants de retrouver leur pouvoir décisionnel

J’ai développé des programmes promouvant le développement de l’intelligence émotionnelle et qui permettent aux dirigeants de retrouver leur pouvoir décisionnel, même quand il ne semble plus y avoir d’espoir. Comprenez que la perception de l’espoir est propre à chaque individu.  Il faut apprendre à le cultiver au travers, entre autres, l’empathie et la résilience. Ces connaissances sont essentielles pour guider votre organisation vers ces eaux pleines de ressources.

J’ai accompagné un vice-président il y a plusieurs années qui traversait une crise organisationnelle ayant des répercussions sur leur marché mondial. On m’a demandé de l’accompagner car ses équipes n’arrivaient plus à répondre à ses demandes contradictoires. Lors de notre première session ensemble, il m’a dit être très déçu que celle-ci serve à identifier consciemment ses émotions. Il a dit ; ‘Marie, je croyais que tu allais m’apprendre à ne plus avoir d’émotions car je dois être concentré sur les enjeux pour sauver mon équipe !’. Lorsque cet exécutif a compris logiquement et a pu expérimenter le pouvoir du message émotionnel, il a non seulement sauvé son équipe mais il a également été reconnu par son organisation comme étant un des exécutifs le plus rassembleur et créatif dans la tourmente. Cela m’a fait chaud au cœur !

Découvrez nos programmes pour le développement du QE : Description des programmes et services

*Référence : Groupe de recherche de LifeWorks, en partenariat avec Deloitte Canada et le CHRO20, rapport intitulé « Idées inspirantes : Mieux-être et résilience des cadres supérieurs » publié au printemps 2021.

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